Elle desservait les communes d'Escource et Bias, qui avaient à l'époque une population respectivement de 600 et 300 âmes. Mais alors, pourquoi avoir construit une telle ligne pour l'abandonner aussi vite, et quel en était donc l'intérêt?
Naissance du projet
Pour le comprendre, il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Les Landes sont une immense étendue sableuse et plate, semi marécageuse en hiver et complètement desséchée l'été. Les lois de Napoléon III en 1865 ont fait que ces landes, vouées au départ à l'activité pastorale, ont été drainées et semées de pins maritimes, qui ont donc entre 40 et 45 ans en ce début de XXème siècle.Un débouché commercial commence à se faire jour: le poteau de mine et les traverses de chemin de fer. Mais hélas, les voies de communication sont quasiment inexistantes. Seule la nationale 10 a été ouverte, et encore, n'est-elle pas empierrée sur toute sa longueur. Entre la côte océane et cette voie, il n'y a que des chemins de terre qui deviennent rapidement impraticables en hiver, car empruntés par des charriots avec des roues ferrées (kas et bros) qui creusent de profondes ornières. Les ingénieurs de l'époque n'avaient pratiquement aucune expérience dans la construction de voies dans un pareil environnement. La construction de la route Bordeaux - La Teste va en fait leur servir de champ d'expérimentation. En effet, on se rendit rapidement compte que, construire une route empierrée dans un endroit dépourvu de pierres devenait très vite un véritable cauchemar, car pour amener la pierre, il fallait utiliser la voie déjà tracée et celle-ci se trouvait rapidement détériorée par ces lourds chargements, et il fallait en permanence pallier à sa réparation; ce qui coûtait extrêmement cher.
Ainsi a germé l’idée de construire une voie ferrée pour acheminer les matériaux nécessaires à la construction de la route sans altérer celle-ci. La construction de la voie ferrée se faisait sur le même principe à savoir que le train acheminait les rails, les traverses et tous les matériaux au fur et à mesure de l’avancement de la voie, car il n’y avait pratiquement pas de gros ouvrages d’art à réaliser. C’est ainsi que s’est édifiée la voie ferrée Bordeaux - La Teste puis celle de Facture à Bayonne pour aider à la construction de la N10. Mais la construction de ces voies ferrées dans les Landes et ailleurs en France et à l’étranger demandait une masse considérable de traverses en bois et pour cela il fallait pouvoir aller les chercher auprès des scieries en toutes saisons. Le massif forestier dopé par les lois de Napoléon III du 18 Juin 1857, était alors en mesure de fournir tout le bois nécessaire à cette entreprise. Aussi obéissant au même raisonnement, puisqu’il n’y avait pas de routes carrossables on construisit tout un réseau de voies ferrées adjacentes à la voie principale Bordeaux – Bayonne pour acheminer les pierres nécessaires à la construction de voies carrossables et en même temps venir chercher les traverses qui s’exportaient dans le monde entier. Ces voies ferrées ont été construites avec le même écartement de voie que la principale pour éviter les transbordements qui coutaient du temps et de l’argent. C’est ainsi qu’est née la voie ferrée Labouheyre - Bias en 1911 pour exploiter les forêts que se trouvaient à cet endroit. Le transport des passagers n’était alors qu’une préoccupation négligeable étant donné la maigre population des lieux, le train n’ayant d’ailleurs que très peu contribué au développement de celle-ci.
Les étapes de la construction de la voie ferrée
Plusieurs compagnies se sont lancées dans l’édification de ces voies dont la Compagnie du Midi, celle des Chemins de fer des Landes chargée de leur exploitation et la Société des chemins de Fer du Born et du Marensin .
Le 2 décembre1903 a lieu à Labouheyre une conférence au sujet de l’établissement d’un chemin de fer d’intérêt local à voie normale de Labouheyre à Bias par Escource, réunissant des conseillers généraux, les maires des communes concernées (Labouheyre, Luë, Escource, Mézos, Saint Paul en Born, Mimizan et Bias) ainsi que la Société d’études, construction et exploitation des chemins de fer et tramways P. Ortal ses fils & A. Lagueyte dont le siége est à Bordeaux 13 rue Boudet. Cette conférence a pour objet de présenter le projet à l’Administration départementale des Landes, pour permettre ensuite au Conseil Général de statuer lors de la session du 12 avril 1904 sur une demande de concession de la dite ligne, sous réserve de l’obtention des subventions et concours des divers intéressés :
- Département subvention de 4000 F/km soit 110 000 F
- Commune de Labouheyre cession gratuite sur son territoire des terrains nécessaires.
- Commune de Luë id
- Commune d’Escource Subvention en capital de 120 000 F et cession gratuite, sur son territoire, des terrains nécessaires.
- Commune de Mézos cession gratuite, sur son territoire, des terrains nécessaires.
- Commune de Saint Paul en Born id
- Commune de Mimizan id
- Commune de Bias Subvention de 60 000 F et cession gratuite, sur son territoire, des terrains nécessaires.
- Chemins de Fer du Midi Garantie d’intérêt de 3% et amortissement du capital de premier établissement, déduction faite des subventions départementale et communales.
- Chemins de fer des landes Engagement d’exploiter la nouvelle voie aux conditions des autres lignes de son réseau.
Le 6 Juin 1904 est lancée l’enquête d’utilité publique, et une commission composée d’élus locaux et dirigée par le députe M. Jumel, vice président du Conseil Régional, est chargée d’examiner les différentes requêtes exprimées par écrits. Cette enquête terminée il a été procédé au bornage du tracé de la voie. Ont commencé alors les tractations pour l’achat des parcelles de terrain privées, les communes ayant donné les leurs gratuitement. Ces transactions durèrent jusqu’en 1909 et se firent en quasi totalité à l’amiable, sur la base de 500 F / ha (pour la commune d’Escource); les prix alors couramment pratiqués à l’époque, pour du terrain nu, étaient d’environ 150 F/ ha. De plus les bois sur ces parcelles restaient aux propriétaires qui devaient en assurer la vente et l’exploitation. Seuls 3 propriétaires plus gourmands ont du passer par une mesure d’expropriation qui a fait perdre évidemment beaucoup de temps à la mise en œuvre du projet. Par ailleurs la traversée du ruisseau d’Escource s’est avéré plus délicate et a nécessité dans un premier temps, la construction d’un pont vouté de 7 mètres sur l’isthme entre le ruisseau et le canal de rejet des eaux du Moulin de haut, puis la réunion des deux cours d’eau en amont de ce pont. Il a fallu de plus faire un ballast de sable pris sur une parcelle de la Compagnie des Landes, sur une hauteur importante afin de minimiser le plus possible la pente de la voie. La réalisation de cet ouvrage a pris pas mal de temps et constituait donc un frein à l’avancement de l’installation de la voie sur le trajet vers Bias ; aussi il a été décidé d’amener une motrice et des wagons depuis la gare de Solférino, sur des charriots tirés par des mules, en passant sur le pont de Jeanquillet (qui a du d’ailleurs être renforcé pour l’occasion), et furent installés sur la voie en progression vers Bias, acheminant ainsi les éléments nécessaires à son édification.
Si une station était initialement prévue à Escource, plusieurs haltes et arrêts facultatifs ont été demandés. Seules les haltes d’Angoulin et de Jouanicot ont été retenues et un seul arrêt facultatif à Belair. Il a été d’ailleurs précisé que les personnes voulant s’arrêter à Belair devaient en informer le chauffeur et le chef de train au moment du départ ; quant à ceux qui voulaient y prendre le train , ils devaient faire signe au chauffeur. Dans tous les cas le prix du billet correspondait à celui qu’il auraient pris au départ de la Halte de Jouanicot. Enfin le nombre et la localisation des passages à niveau a fait l’objet de longues et après discussions, pour arriver au chiffre final de 34 sur la seule commune d’Escource (heureusement qu’il n’y avait pas de garde-barrière à chacun). Ce n’est qu’à la fin de l’année 1911 que circulèrent les premiers trains et ce jusqu’en 1949. Ils furent supplantés par celui qu’ils avaient contribué à développer : le réseau routier.
Ces quelques lignes ont pu être rédigées par M.Robert Drouhault, grâce aux archives conservées à la Mairie d’Escource.